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Entretien : La carte cadeau a-t-elle sa place sur les réseaux sociaux ?

Antoine de riedmattenSon design est un clin d’oeil à la marque, les consommateurs la monnaient volontiers contre un cadeau. Au fil des années, la carte cadeau a réussi à s’immiscer dans les habitudes de consommation des Français. Aujourd’hui, elle trône devant les caisses des magasins et s’affiche sur le Web. Mais plus étonnant, elle débarque sur le réseau social Facebook. Analyse de cette tendance par Antoine de Riedmatten, Associé Responsable Consumer Business chez Deloitte.

Que pensez-vous des start-up qui se lancent sur le marché des cartes cadeaux, sans tenir compte de la saisonnalité et qui ont choisi Facebook comme canal de distribution ?

La première question est de savoir si l’on peut tout vendre sur les réseaux sociaux. Il faudra, selon moi, plusieurs années pour vraiment évaluer les résultats de ce type d’opération. Beaucoup d’entreprises ont tenté l’expérience de la vente sur Facebook. Sur les réseaux sociaux, les marques ont une position d’attentisme. Elles suivent l’évolution des réseaux de très près car elles ont conscience que ce canal peut comporter des risques. Sur les médias sociaux, on s’adresse à des communautés de fans. Les marques n’y sont pas forcément pour des raisons mercantiles mais pour leur image. On comprend mieux pourquoi elles cherchent à passer par un intermédiaire. C’est une manière détournée de ne pas s’impliquer si la relation avec leurs fans se trouve fragilisée et de conserver une bonne réputation. Il faut aussi comprendre que certaines d’entre elles ont mis du temps pour constituer un réseau  et nouer une relation de confiance avec leurs fans. Donc tester fait partie de leurs stratégies ; elles avancent masquées tant qu’elles n’ont pas évalué les risques. Si l’on compare avec les Etats-Unis, les opérations commerciales prennent une autre forme. Elles s’appliquent sur des communautés : c’est un groupe universitaire qui vend son t-shirt ou des supporters qui commercialisent des articles appartenant à leur club. Mais les marques ne prennent  jamais directement position.

Le second point a trait à la santé du marché. Aujourd’hui, ce secteur se porte bien et correspond  à la volonté des consommateurs de ne pas systématiquement offrir de l’argent, mais un cadeau « matérialisé ». Mais ce marché doit aussi se pérenniser. D’où cette contradiction avec la vente de cartes cadeaux sur Facebook, le monde virtuel. Les achats de crédit sur la Toile correspondent à une certaine catégorie de personne. L’image véhiculée par ce monde virtuel, que composent Facebook et les autres réseaux sociaux, est selon moi un obstacle à la vente.

Peut-on dire qu’utiliser Facebook est une manière efficace de faire évoluer la carte cadeau ? Sortir des sentiers battus est une nouvelle approche pour l’appréhender …

Il est difficile d’apporter une réponse unique et ferme. Le type de réponse va être différent en fonction des problématiques des marques ou des enseignes. Prenons le cas d’un distributeur alimentaire, il a conscience qu’aujourd’hui, les clientes en particulier, détiennent de nombreuses cartes. La multi-fidélité et la fréquence des achats seront des paramètres dont il faudra tenir compte. Dans cette optique, la carte cadeau devra plutôt être une réponse promotionnelle. Autre cas, celui d’une enseigne de produits de loisirs. Leur politique est de placer les cartes cadeaux devant les caisses de leurs magasins, un endroit stratégique, et de jouer sur un moment clef dans le parcours d’achat du consommateur : la file d’attente. L’objectif ? Susciter et encourager l’achat impulsif. Enfin, dans le secteur de l’habillement, les consommatrices sont habituées aux réductions. La carte cadeau devient un moyen pour attirer la clientèle hors des périodes de soldes. Les marques déploient des campagnes d’emailing dans lesquelles la carte cadeau devient l’élément teasing pour générer du trafic en magasin. Même la façon de s’adresser aux consommateurs a changé. Du fait de l’environnement économique, les consommateurs sont plus attentifs et réceptifs aux libellés édités en euros. Les pourcentages, les remises différées, les cumuls de points ne sont plus les bienvenus. Ce que préfèrent les consommateurs aujourd’hui, ce sont les réductions immédiates.

La notion de saisonnalité est importante avec les chèques cadeaux. Est-ce que cette problématique existe également avec les cartes cadeaux ?

Le chèque est souvent dédié aux comités d’entreprises et surtout diffusé à la période de Noël. Il a un effet saisonnier. Tandis que la carte cadeau est avant tout un support publicitaire. Les porteurs de carte vont ensuite aller dans le point de vente pour consommer. Mais assurément, le plus gros volume du chiffre d’affaires porte durant cette période. A titre d’exemple, à Noël, une personne achète pour 5 ou 6  personnes en moyenne. Le reste de l’année, le revenu est marginal. Donc les entreprises qui basent leurs activités hors fin d’année sont forcément sur un marché de niche. En d’autres termes, peu de demandes donc peu de volume.

A l’heure de la dématérialisation, la carte cadeau a-t-elle encore une raison d’être ?

Bien sûr. Déjà, émettre une carte cadeau revient à créer un vecteur de communication, un support publicitaire. Par ailleurs, sous cette forme, les gens sont davantage enclins à oublier son existence (hélas !) ou à l’égarer. Si celle-ci était dématérialisée, les distributeurs pourraient s’attendre à une plus grande utilisation. Or, ces derniers font leur marge sur cette non-utilisation de la carte. Il est important de souligner que cette carte cadeau peut être et doit être une source de financement additionnel. Un porteur de carte peut décider d’ajouter un supplément pour acheter ce qu’il désire. C’est entre autres pour ces raisons que les distributeurs ont décidé d’être acteur direct dans le circuit traditionnel en particulier. La marge, c’est tout l’intérêt de cette carte cadeau.

Finalement, dans la stratégie des marques, la carte cadeau n’est-elle pas un outil pour faciliter la convergence entre les canaux ?

La cross canalité n’est pas assurée par la carte cadeau mais par le distributeur. Nous sommes dans une période où le consommateur multicanal a accès à toutes les informations pour choisir où et quand il veut consommer son produit. Les entreprises ont basculé d’un marketing push à une stratégie pull. De fait, les enseignes vont se démarquer par les services qu’elles vont apporter aux consommateurs. Si bien qu’aujourd’hui, la carte ne doit pas être considérée comme un simple outil, mais il faut l’inclure dans une stratégie qui viserait à optimiser l’expérience client et à générer du trafic dans les points de vente.

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Cet article a été rédigé par :


Hélène Leremon

Son credo ? Elle est convaincue qu’il existe une plateforme e-commerce, une technologie, un outil CRM, ou une stratégie qui mène au succès d’une place de marché, d’une enseigne, d’une marque.


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