Derrière le CCM et ECM, l’enjeu du pilotage unifié de l’interaction client
Par Pierre Pleynet, Compart France
Le document n’est plus ce qu’il était. Il est désormais une composante à part entière de la conversation continue entre l’entreprise et son client. Et cela bouleverse considérablement la gestion de son cycle de vie et le rôle que peuvent y jouer les différents systèmes mis en œuvre par les entreprises, notamment les plateformes ECM et CCM.
Dans de nombreuses entreprises, la stratégie documentaire repose sur deux piliers distincts. L’Enterprise Content Management (ECM) se charge de la capture, de l’archivage et de la restitution des flux documentaires entrants et sortants. Le Customer Communication Management (CCM) réunit tous les outils pour gérer le cycle de vie des documents sortants, de la composition à la mise au format (papier/digital). En théorie, les rôles et surtout la position de ces deux composants dans l’infrastructure documentaire sont clairement définis. En amont, le CCM, dans sa version traditionnelle, se charge de toutes les étapes préalables à l’archivage d’un document sortant. L’ECM vient ensuite, pour indexer et conserver le document produit en vue de la gestion du cycle de vie du document (Entrant/Sortant). La digitalisation et la personnalisation des échanges, et ce que ces notions impliquent d’interactivité et de traçabilité sont bien évidemment venus bouleverser cet équilibre. Les entreprises cherchent aujourd’hui moins à renforcer les outils ECM et CCM existants qu’à optimiser la manière de les utiliser. Elles cherchent à concrétiser une stratégie d’ensemble qui vise, non plus seulement à gérer l’information mise à disposition du client, mais plus largement l’interaction avec ce dernier.
À l’ère de la personnalisation digitale de la communication client, l’information n’a de valeur que lorsqu’elle produit de la valeur. Et elle le fait lorsqu’elle contribue à prolonger ou à développer la relation avec le client ou qu’elle génère une nouvelle intention d’achat. Il ne s’agit plus tant de gérer des documents qu’une boucle aussi continue que possible de circulation de l’information entre l’entreprise et ses clients. Cette évolution du besoin repose elle-même sur un changement radical d’approche. Il ne s’agit plus tant de s’intéresser à la gestion du document lui-même qu’à la manière dont le processus de circulation, dont le document fait partie, contribue à l’amélioration de l’expérience client. De façon plus concrète, il y a une vie de la communication client avant et après le document, que la gestion de ce dernier ne peut plus désormais ignorer. Et cela est vrai autant pour le document imprimé que pour toutes les formes de communication multicanales auxquelles les technologies permettent aujourd’hui d’accéder (email, SMS, portail web…). Car toutes ces mises en forme partagent une finalité identique : présenter au client un ensemble structuré d’information qui le poussera à l’action.
Une frontière disparaît
Pour remplir cet objectif, le processus de gestion du document doit intégrer de nouvelles fonctionnalités. Il y a encore quelques années, ce processus pouvait se résumer à deux grandes étapes, celle de sa production (composition et diffusion « monocanale ») et de son archivage. Dans un contexte omnicanal d’interaciton client, il faut désormais se préoccuper des modes de diffusion, du suivi de la communication client, des capacités de restitution de l’information via un autre canal que celui par lequel elle a été initialement diffusée… En d’autres termes, ce n’est plus tant le document qui produit de la valeur. Ce sont toutes les données d’interaction client qui peuvent être agrégées autour de lui tout au long de son cycle de vie : sur quel canal a-t-il été diffusé ? le client a-t-il répondu comme souhaité ? Quelle suite a été donnée à cette réponse ? … C’est à ce stade que la séparation traditionnelle entre CCM et ECM commence à poser problème. Car l’interaction client omnicanale ne permet plus d’enchaîner, comme auparavant, deux processus distincts, l’un centré sur la composition et la diffusion du document, le second ayant pour fonction de l’indexer et de l’archiver.
Dans une perspective ou le document n’est qu’un élément d’une conversation continue entre l’entreprise et le client, le moment du « passage de témoin » entre le CCM et l’ECM devient de plus en plus difficile à déterminer. Même après son archivage, un document peut faire l’objet d’une restitution au client via un portail, et déclencher une nouvelle étape de conversation avec l’entreprise. Dans une perspective de relation client à la fois conversationnelle et omnicanale, la vérité est qu’il n’y a jamais de bon moment pour « passer le témoin » d’un silo technique à un autre. Mais simultanément, chaque occasion d’enrichir l’information autour du document doit pouvoir être saisie sans attendre. Car chaque nouvelle information peut constituer le point de départ d’une nouvelle opportunité d’interaction client. Dans la pratique, il peut ainsi exister autant de « bons moments pour passer le témoin » entre CCM et ECM qu’il y a, pour l’entreprise, d’étapes clés de l’interaction client, d’opportunités de générer de la valeur ajoutée. Ce qui tend à disparaître ici, c’est la séparation traditionnelle entre ECM et CCM. Elle est remplacée par une nouvelle approche qui doit permettre à toutes les composantes de gestion des processus de communication client et de gestion documentaire de s’enrichir mutuellement et en continu.
Un pilotage unifié des processus documentaires
Tout l’enjeu, dans une telle approche, est de se garder à la fois des solutions toutes faites et de la tendance à conserver les modes d’organisation existants. Parce que les modalités de l’interaction client sont en effet propres à chaque entreprise, le hub documentaire doit pouvoir reposer sur une technologie suffisamment ouverte et flexible pour s’adapter à toutes les réalités et à toutes les évolutions. Il ne devra pas, par exemple, imposer à l’entreprise les étapes auxquelles l’archivage via l’ECM d’une communication client est pertinent. Non plus qu’il ne devra limiter les possibilités d’enrichissement mutuel d’information entre les outils de composition, de diffusion ou d’archivage. Cette exigence d’ouverture et de fluidité vaut aussi pour les organisations. Dans une approche de hub documentaire omnicanal, l’étanchéité entre les services chargés de l’émission des emails, de la gestion du portail, de celle de l’ECM ou des outils de composition perd considérablement de son intérêt. Elle peut même devenir un obstacle à la bonne coordination de toutes les composantes de l’interaction client. Au contraire, il faut pouvoir mettre en œuvre un pilotage unifié des processus documentaires, au travers d’une fonction centralisatrice telle que le Chief Data Officer (CDO), et en s’appuyant sur des outils concrétisant la même philosophie d’ouverture et de flexibilité.